A C. Merci de m’avoir inspiré…

Régulièrement, je me rends, dans ma petite pièce de quatre murs et demi, trois à quatre tsubos* à peine. Une forme de boudoir, d’isoloir aussi qui m’accueille avec tant de bienveillance afin d’y faire quelques sculptures. Je retrouve le contact avec la terre, je laisse mes doigts parler, chanter au son de ma vie. Vivre et donner vie…

L’inspiration de l’instant qui me conduit au miracle de l’essence de mon objet de terre grandit, dès le franchissement de l’épaisse porte de bois.

Dès lors, je peux m’installer. Il s’agit d’un véritable protocole.

Je laisse la fenêtre ouverte. Une fine brise caresse mon visage tandis qu’une mèche rebelle prend son envol pour danser au gré de ce vent léger.

Je quitte le monde de l’humain, le monde civilisé comme il est commun de dire. Pour le monde sauvage, pour le vrai, le naturel, comme j’aurais tendance à penser.

Parfois debout, parfois assise sur une chaise de rotin ou un tabouret haut et tournant jusque m’enivrer. Le plus souvent oscillant d’une position à l’autre, d’un instant à l’autre, afin d’épouser de mes mains, le moindre relief, la moindre aspérité qui serait apparue du fait d’un geste maladroit ou empreint du hasard qui veut laisser sa trace.

Reprendre le contact de la terre, regagner cette communion avec la nature est jubilatoire. Sentir le contact de mes dix doigts vivant en harmonie avec la base du monde qui nous entoure me donne tant de sensation. C’en est indescriptible, tant son pouvoir extatique peut couper le souffle et me laisser en apnée jusque la finalisation de mon accouchement.

Selon l’humeur de l’instant, je m’égare vers les formes d’un buste féminin. Peut-être me ressemble t-il, finalement. Et puis quoi, je me connais, c’est sûr. Tant d’années que nous parcourons les secondes ensemble. Il protège mon âme et mon esprit. Il mérite bien que je lui accorde une forme d’ intérêt.

Parfois, les chemins de traverse de mon humeur me guident vers le monde animal, comme s’il était plus proche de la nature que l’humanité toute entière. Probablement, en fait. Je me range, de plus en plus, à cette idée.

Dans cet univers au flair infaillible qui ne parle pas notre langue mais qui comprend d’un simple regard, j’ai trouvé mon ami de prédilection, celui que j’aime voir prendre forme du fait de l’apposition de mes mains.

Je prends alors la terre, la prépare, la malaxe. Un peu d’eau, un peu de poudre, le mélange parfait. La voilà qui devient un produit d’une telle finesse, chaude et froide à la fois, au contact avec ma peau qui se trouve du plaisir à ne plus comprendre ses repères.

Elle devient partie intégrante de moi, comme une extension de mon corps, mais plus encore de mon âme.

Même en fermant les yeux, ce mélange moelleux  et pourtant rugueux s’associe à mes doigts pour mettre bas cette créature, fidèle produit de mon inspiration.

Je choisis, souvent le canard. Le canard me parle. Du fait de ses courbes, notamment la plus longue, la plus belle s’étendant du sommet de la tête jusque l’extrémité de la queue évasée pointant quelque peu vers le ciel, c’est un véritable tremplin, pour un saut de l’ange. Tel un skieur préparant son départ et prenant son envol après cette descente vertigineuse. Ses ailes lui poussent sur le dos, comme à moi. Je me sens légère, et parcourant les airs, tandis que mon nouveau volatile prend vie.

Je n’existe plus…

Je deviens vivante…

 

LED.

 

Un Tsubo* correspond à 3,3 m2 (unité de surface au Japon).