Écrire est un exercice périlleux.

Il est vrai que nous ne sommes pas funambules, bien que nous marchons sur le fil de nos idées.

Nous ne sommes pas en suspension dans les airs comme les trapézistes puisque reposons sur le nuage de nos pensées.

En dehors du plaisir ou du besoin d’écrire, de raconter une belle histoire, au delà de dévoiler des sentiments, de vomir des souffrances parfois, l’égo veut sa part du gâteau.

Il veut que la lecture plaise. Il veut faire voyager. Il souhaite que ça se vende.
Financièrement, ce serait un plus, évidemment.

Mais surtout, l’auteur attend, au moins espère un « Ahhh, j’aime beaucoup ce que vous faites, vous avez du talent, vous savez… ».

En fait, l’égo le sait. Il met la barre haute.

Mais voilà, l’équilibre tant souhaité, tant travaillé dans le texte, dans les lettres, dans la forme, dans le fond ne trouve pas toujours le public et la critique attendus et la chute est parfois terrible.

L’égo est un concept à laisser au loin, le temps de l’écriture.
Il sera toujours temps de le voir revenir à la charge, prétextant que le texte a une âme en son essence et se doit de trouver le respect.
Il faut remettre l’égo à sa place, enfoui dans un petit recoin et lui expliquer que le succès n’est pas le plus important.

Au contraire, nous avons un message à faire passer à travers une histoire à raconter. Comme un parent qui prend son enfant par la main ou l’endort le soir.

Ou peut être comme un homme à une femme lui racontant l’histoire de leur vie.

L’écriture, c’est aussi comme les montagnes russes.
Elle donne le vertige quand ça monte, trop vite parfois.
Puis souvent, à peine a t-on un aperçu du décors, de ce qui nous entoure que surgit la descente aux enfers, l’esprit noirci par le vide qui nous happe et entretient la page blanche.

Et puis, que devons nous donner à manger aux lignes, aux phrases.
Des lettres, des mots, des verbes, des adverbes, des adjectifs. Des points, des virgules, des points virgules…
Des apostrophes, oh oui des apostrophes…
Quelques chiffres épars, mais trouvant une place de choix. Que sais je encore.
Nous les choisissons avec tact et mesure comme nous l’estimons joli et agréable à regarder, à lire en fait.
L’harmonie du texte revêtue de l’homogénéité du style.

Une question première.
Doit on y injecter des événements, des questionnements personnels de notre histoire, de notre famille, de notre vie ?
Ne devons nous pas plutôt nous protéger, ne pas ouvrir la porte de notre partie la plus intime.

Mais, au fait, n’écrit on pas aussi un roman imaginaire, des personnages de fiction parce que notre vie est devenue inintéressante, stressante et sans véritable atout majeur…
Peut-être pour fuir, probablement pour s’enfuir.

Une autopshychothérapie ou une autopsie de notre mal être.

Et que devons nous privilégier, une belle introduction, un beau dénouement…

Probablement, faut il espérer que le lecteur qui voyage à travers les lignes ait toujours envie de pousser la porte de fin de page pour savoir comment et où continue t-il l’aventure.
Avec qui va t-il dormir de l’autre côté de la mince feuille de papier ?
Dans quelle région va t-il parcourir les vallées ?…
A  pieds, à cheval, à bicyclette, en fiacre ?…

Et la fin, une belle fin avec un joli mariage de beaux enfants ?…
Trop vu. Laissons cette eau rosée aux princesses de Disney.

Ou plutôt une fin qui appelle une suite avec un héros qui ne meurt jamais ou que l’on ressuscite par le subterfuge d’une porte dérobée dans l’histoire ?…

Ou encore une fin qui laisse sur sa faim, qui laisse le lecteur dans l’embarras.
Mais enfin, que se passe-t-il ?
Cela ne peut finir comme ça, ils n’ont pas le droit.
Appelez moi celui qui nous a écrit ça, j’ai deux mots, en fait probablement plus, à lui dire…
Un auteur à deux balles ou à deux mots peut-être qui nous envoie dans les airs par la légèreté et la beauté de son texte puis nous fait sauter sans parachute et nous écraser au sol dans un fatras indescriptible.
Il a  osé.
Il a posé sa plume en nous ôtant les nôtres.

Allez, une fin digne d’un roman nippon pays de la beauté et la tradition, avec un héros, un jeune samouraï en fin de parcours initiatique qui n’a nul autre choix que de mourir parce qu’il a osé aimer.
Aimer jour après jour, aimer nuit après nuit.
Ces mêmes nuits qu’il passait, allongé le dos contre la verdure, kimono bien dressé, une tête bien dessinée ressortant du col échancré et les yeux grand ouverts à contempler Orion, loin de sa bien aimée.
Sa bien aimée, celle qui donnait un souffle nouveau à chaque onde de son coeur ou réchauffait son âme d’un simple regard.
Aimer avec ferveur, aimer de tout son cœur, aimer de tout son être, aimer avec passion celle (ou peut-être celui) qui ne lui était pas destiné(e) ou qui sait, ne lui offrait pas le même amour en retour, mais une seule issue possible, une fin inévitable.
Le Seppuku, l’onde de choc, l’onde de coeur finale…
Pour expier ses pêchers et ses démons…

Une autre question me taraude.
Et entre les pages ?
Que se passe t-il entre les pages ?
Que l’auteur pense-t-il ?
Qu’a t-il fait ?

Il nous fait tourner les pages, nous fait changer de chapitre, nous renvoie dans d’autres lieux, d’autres temps. Il nous prend par la main, comme un parent, comme un tuteur qui nous emmène dans son droit chemin…

 

A suivre…

 

LED.